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Pourquoi j'ai quitté Les Enfants d'Yggdrasill - Témoignage

  • Photo du rédacteur: Jara
    Jara
  • 25 juil.
  • 20 min de lecture

Témoignage vécu au sein du milieu associatif asatru.


Voilà un sujet dont beaucoup me parlent encore aujourd'hui. Un sujet très délicat avec cette même question qui revient souvent. Il y a sept mois, je quittais la plus vieille association asatru française, Les Enfants d'Yggdrasill après quatre ans d'adhésion. Aujourd'hui encore, certaines personnes extérieures au milieu associatif me pose cette question : Que s'est-il passé ? Moi qui passais ma vie à parler de cette association pour en faire sa promo, voilà que du jour ou lendemain, je mettais les voiles.


J'ai décidé d'écrire cet article, d'une part, pour répondre à ces questionnements, et d'autre part, pour moi-même. Car j'ai besoin, sept mois plus tard, d'écrire ce qu'il s'est passé ; d'écrire mon témoignage sur ce que j'ai vécu. Cela ne vaut sûrement pas grand-chose, mais ce geste a de la valeur pour moi. Je précise que ce texte est un témoignage subjectif. Il reflète mes ressentis personnels à travers des événements vécus dans un cadre associatif. Les personnes mentionnées ne sont pas nommées dans un but accusatoire, mais comme repères de mon vécu.


J'ai rejoint Les Enfants d'Yggdrasill il y a quatre ans, le 1er avril 2021. A l'époque, c'était à ma connaissance la seule association asatru existante. Elle avait bonne réputation et me paraissait très sérieuse. Lorsque je l'ai rejointe, ma personnalité réservée et introvertie a fait que je me suis sentie toute petite. Ce n'était pas dans mes habitudes de rejoindre un groupe. Je parlais peu, voire jamais durant les premières semaines. Les quatre premiers mois passés, je me demandais même si j'allais y rester. J'étais comme une enfant timide assise au fond de la classe, qui n'osait pas lever la main, de peur qu'on se moque d'elle. Mais j'ai voulu persister, alors je suis restée. Et quelque mois plus tard, j'ai assisté à ma première cérémonie collective. C'était en Auvergne, à cinq heures de route de chez moi. C'était la toute première fois que je faisais autant de route seule, et qui plus est, pour passer un week-end avec des inconnus. Je me souviendrai toujours du moment où je suis arrivée. C'était un tout petit village, dans une vieille ferme. L'endroit était isolé et calme. L'air était frais, comme toujours, il y avait un chien qui aboyait, et puis j'ai rencontré les deux personnes qui allaient m'héberger. Ana et Olivier. Lorsqu'ils se sont approchés et qu'ils ont commencé à me parler, je me suis tout de suite sentie confiante et en sécurité. J'étais la seule à arriver la veille de la cérémonie alors j'ai passé la soirée seule avec eux. Nous avions mangé dans la petite cuisine, près du poêle et faisions connaissance pendant le repas. La chaleur du feu m'a beaucoup marquée. Elle reflétait l'ambiance de la campagne ; les choses simples qui nous rendent heureux. Je me souviens aussi que n'osais pas beaucoup parler car je n'ai jamais su entretenir de longues conversations. J'essayais de poser des questions et de parler normalement pour cacher mon coté introverti, mais je crois que je n'ai jamais réussi à tromper personne. Entretenir de longues conversations m'a toujours demandé beaucoup d'efforts et d'énergie.


Le lendemain, je rencontrai tous les autres membres qui participaient à la cérémonie. Il y avait Isa, Céline, Judas et Sunny. La cérémonie que nous avons faite, restera à jamais gravée dans ma mémoire. Sans doute parce que c'était la première... Nous avions fait ça de nuit, avec des flambeaux pour nous éclairer. Ce que j'ai ressenti ce soir-là est indescriptible et je pense que c'est une émotion qui fut partagée par tout le monde. Je me souviens avoir pleuré lorsque Isa chantait « For Eldra » de Gealdyr. D'ailleurs nous l'avons tous chanté et aujourd'hui encore, je ne parviens pas à écouter cette musique sans pleurer du début à la fin.

Cette première cérémonie fut l'un des plus beaux moments de ma vie. Et celles qui suivirent furent toutes aussi belles.


La suite se passa très bien. Le fait d'avoir rencontré toutes ces belles personnes a changé ma façon de voir l'association. Désormais, il y avait du concret, il y avait des liens, il y avait de l'humain. Sur internet, le principal lieu de vie se déroulait sur Messenger jusqu'à ce que Isa crée le Discord de la section des « membres isolés » dans laquelle nous faisions partie. La création de ce Discord fut vraiment très bénéfique. Cela nous permettait de structurer les échanges, d'entamer des discussions plus thématiques et de partager davantage d'informations sur les anciennes coutumes. Cela a également permis de renforcer les liens entre les membres et d'avoir un véritable lieu de vie numérique.


Il y eut bien d'autres cérémonies et je rencontrai par la suite de nouveaux membres... Skeld et Corvina notamment, qui rejoignirent notre petit groupe qui devinrent rapidement un groupe régional : La Futaie de Frodi. Toutes les personnes que j'ai pu rencontrer sont toutes de formidables personnes. Je ne me souviens pas avoir ressenti quelque chose de mauvais envers une seule d'entre elles. Nous étions tous très différents, avec des parcours très variés. Venir en cérémonie était à chaque fois un véritable moment de joie. Les cinq heures de route que je mettais pour venir étaient comme un pèlerinage que j'attendais avec impatience.


Durant la fin de l'hiver 2023, je suis tombée en dépression, car les choses de la vie font que parfois, ça va mal. Je n'en avais parlé qu'à deux personnes de l'association, Céline et Sunny. Puis quelques mois plus tard, à Ana et Olivier. Je ne parlerai pas ici des motifs de cette dépression car elle relève de choses personnelles que je n'ai pas envie de partager, mais elle marqua un tournent irréversible dans ma façon d’appréhender le monde et notamment les personnes qui m'entouraient. Jusqu'à présent je pensais que cette dépression n'avait pas impacté ma façon de voir l'association mais je me trompais. Les Enfants d'Yggdrasill était comme un refuge pour moi. C'était une seconde famille que je chérissais de tout mon cœur. Mais je crois que c'était trop. L'attention que je portais à l'association était devenue obsessionnelle. Je me souviens que sur les réseaux sociaux, je passais le plus clair de mon temps à parler de l'association et à essayer de trouver de nouvelles « recrues ». Et si quelqu'un disait du mal de l'association, je le méprisais. Je voulais défendre coûte que coûte l'association ainsi que tous les membres qui en faisaient partie. Je voulais devenir une adhérente modèle, au point de culpabiliser lorsque je n'avais pas de reconnaissance. C'était complètement irrationnel.

A titre d'exemple, lorsque j'ai renouvelé mon adhésion en septembre 2023, j'en ai profité pour faire un don de 300€ à l'association. Dans un monde normal, j'aurai reçu un « merci » de l'association. Mais je n'ai jamais eu de retour. Pas un seul mot. Alors je me souviens avoir culpabilisé pendant plusieurs semaines. Je me disais que le montant que j'avais offert n'était pas assez élevé, que j'aurai dû donner plus, que j'aurai dû vider mon compte en banque. Mes revenus de l'époque ne dépassaient pas les 500€ par mois, alors j'ai culpabilisé et pleuré pendant plusieurs jours de ne pas pouvoir donner plus.

Je pense que personne ne s'en est rendu compte. Personne n'a vu à quel point je m'étais attachée à cette association ni à quel point j'aimais chacun de ses membres.


C'est en 2024 que tout a basculé, et que la descente aux enfers a commencé. Je dirais que la première étape de cette descente a commencé à cause d'une blague de bof. Je venais de faire rentrer un pote dans l'association, Thorolf. Toute fière de moi, nous avions pour projet de créer un nouveau groupe au sein des Enfants d'Yggdrasill : Les Nomades. Un groupe motivé qui se connaissait déjà et organisait déjà des cérémonies dans les quatre coin du pays. J'étais tellement heureuse que ce projet puisse se concrétiser. Les nomades était un groupe de païens avec lesquels je m'entendais (et m'entends toujours) à merveille. Les voir rejoindre l'association, c'était pour moi, voir une famille qui s'agrandit. Dès son arrivée sur Messenger, Thorolf, dans toute sa grasse légendaire, a lancé une blague d'humour noir qui a été jugée raciste par un autre nouveau venu : Mervis Nocteau. La façon dont Thorolf s'est fait incendier par Mervis puis, après s'être excusé plusieurs fois, par la secrétaire Céline, m'a beaucoup impactée. Je reconnais avoir manqué d'objectivité dans ce débat. J'avais tellement à cœur que Thorolf et l'ensemble des Nomades se sentent bien dans l'association, que j'ai voulu prendre sa défense coûte que coûte. Alors que concrètement... si le débat avait concerné un autre membre, je n'aurais certainement pas réagi car c'était le genre de débat qui me laissait indifférente.

Mais, ce que ce débat a mis en lumière, c'est ce qui se passait lorsqu'une personne était en désaccord avec un membre du bureau. Le fond du débat, à savoir, est-ce que l'humour noir est accepté ou non, n'avait au final pas grande importance. Pour la première fois en trois ans, mon avis était différent de celui de la secrétaire et le résultat a été traumatique pour moi.


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Sur le Discord, il y a avait une rubrique « débat asso » sur lequel j'ai voulu reparler de ce débat car je sentais que mon avis n'avait pas été écouté ni compris. Je commençais à me poser des questions sur la façon dont le règlement était appliqué parfois de manière aléatoire. Céline m'a confié qu'elle appliquait le règlement à la lettre, pourtant, je voyais passer des choses qui, de mon point de vue, si l'on suivait le règlement à la lettre, étaient interdites. Alors, j'ai posé des questions, avec toute la gêne que l'on peut éprouver lorsque l'on commence à être en désaccord avec des personnes que l'on apprécie beaucoup. Cet exercice n'a vraiment pas été simple pour moi, car j'ignorais comment aborder les sujets sans vexer la personne en face de moi. J'imagine que j'ai dû manquer de tact, car je n'avais aucune idée de la façon dont il fallait s'y prendre. Comment exprimer un désaccord, sans que la personne ne le prenne pour elle-même ? Je voulais simplement des réponses. Au lieu de cela, j'ai ressenti la première humiliation en publique de la part d'une personne que je n'avais pas vue venir. C'est Olivier qui me répondit. Lui chez qui nous faisions les cérémonies et avec qui j'avais passé des moments formidables. En quelques minutes, tout s'est écroulé. J'étais devenue une « manipulatrice » qui s'en prend à Céline et qui « veut se victimiser ». J'étais une menteuse qui fait du cinéma et qui voulait foutre la merde. Je crois que j'ai rarement ressenti autant de peine et de honte qu'en lisant ses messages. J'ai donc immédiatement stoppé le débat. D'autres membres ont continué à discuter ; je me souviens de deux personnes qui ont pointé du doigt les attaques personnels d'Olivier à mon encontre, mais leurs messages ont été ignorés. Moi, j'avais l'impression qu'un camion venait de me rouler dessus. Je me suis excusée puis, je n'ai plus osé prendre la parole sur Discord pendant plusieurs semaines. Pendant ces semaines-là, je crois bien avoir pleuré tous les jours, matin et soir. C'est également à ce moment-là que j'ai commencé à me poser beaucoup de questions sur moi-même. Pourquoi étais-je aussi sensible ? Je me disais que ma réaction n'était pas normal. Qu'effectivement j'en faisais trop et que je pleurais pour rien. J'étais persuadée que le problème venait de moi. Puis, au bout de trois semaines, je n'arrivais plus à garder ce mal-être pour moi. Je voulais un dialogue, une explication... que les choses s'apaisent... J'avais une peur bleue de parler à Olivier, alors j'ai parlé à Céline en privé. En évoquant les propos qui m'avait blessé, je n'ai pas senti de compréhension de sa part et la discussion m'a vite amené à devoir en parler au Conseil d'Administration. J'étais désorientée. J'étais venue parler à une amie des propos que je jugeais blessants et humiliants d'un autre ami, et c'est une secrétaire d'association qui m'avait répondu. Angoissée, mon appel S.O.S n'ayant pas fonctionné, il fallait donc que ça deviennent « officiel ». Je devais expliquer mon problème à l'équipe dirigeante. Il fallait donc que je prouve mes blessures. Que j'argumente... Durant mes semaines de remises en question, j'étais tombée sur des articles de violences psychologiques dans lesquels je reconnaissais mon vécu, et cela m'avait amené à faire de plus amples recherches. Alors, ne sachant pas comment aborder le sujet des violences psychologiques au CA, j'ai dû me dépatouiller avec ces articles pour pouvoir mettre des noms sur des propos afin de prouver une certaine légitimité à me sentir mal. Je trouvais ça complètement loufoque, mais n'ayant pas connaissance de tous les codes de la société, je me disais que c'était une démarche qui devait sûrement être « normale ». Et puis... il y a une personne qui compte beaucoup pour moi en sein du bureau de l'association, qui m'avait dit un jour que je devais savoir fixer mes limites... « Fixer ses limites » Ça semble tellement simple dit comme ça... Mais je n'avais aucune idée de la démarche à suivre pour « fixer mes limites ». Et puis surtout, que doit-il se passer une fois qu'on les a fixées ? Est-ce qu'une fois qu'on a fixé ses limites le monde devient meilleur ? Est-ce une formule magique ? Une carte joker ?


J'ai donc envoyé un mail au CA en expliquant ce qui m'avait blessé, avec capture écran, surlignage des propos humiliants et argumentation. Il a fallu peu de temps pour que le CA me réponde que les propos en question n'étaient pas interdits par le règlement intérieur de l'association. Donc, il n'y aurait pas de suite.


J'avais posé mes limites, et elles avaient été ignorées. Le jour même, Olivier me bloqua sur les réseaux et je n'étais plus la bienvenue dans La Futaie de Frodi. Bon... fixer mes limites n'était donc pas l'idée du siècle. Je regrettais amèrement d'avoir envoyé ce mail au CA et étais repartie dans ce cercle vicieux de remise en cause. J'ai tenté d'envoyer un message d'excuse à Olivier car je m'étais persuadée que ce que je ressentais n'était pas « légitime ». A vrai dire, j'étais prête à ignorer mes blessures pour ne pas perdre un ami. C'est fou... ce que l'on peut être prêt à faire pour des personnes que l'on aime.


J'ai pris conscience que la sensibilité que j'avais à cette époque là (et que j'ai toujours) était dû à un stress post-traumatique suite à ma dépression qui avait commencé durant cette fin d'hiver 2023. Il a fallu que je me rende à l'évidence, qu'effectivement, le problème venait de moi. J'étais trop sensible, trop fragile, trop vulnérable... Et cela ne colle pas avec le standard de la société. Encore moins avec le standard d'une association asatru qui a pour idoles des dieux et des ancêtres forts qui étaient tout sauf des pleurnichards. Je n'ai donc plus parlé de cette histoire.


La deuxième étape de cette descente aux enfers a commencé peu après, lorsque Mervis Nocteau, membre récent, continuait de poster des messages provoquants sur Discord. Je dis « continuait » car cela faisait un moment que ses messages déplaisaient à beaucoup de membres, mais personnellement... ça me passait au-dessus de la tête. A vrai dire, je n'ai jamais compris grand chose aux messages de Mervis. Certains connaissent peut-être déjà sa plume... Des articles interminables et barbants avec des mots qui parfois n'existent pas... Le genre de personne qui mettent trois pages pour expliquer une chose qui pourrait être dite en trois lignes... Bref, j'aimais bien Mervis, mais ça faisait longtemps que j'avais arrêté d'essayer de lire ses posts. Or, des posts de Mervis, il y en avait tous les jours sur Discord et peu à peu, il devenait le seul à parler. J'ai commencé à recevoir des messages privés de certains membres que j'avais fait rentrer dans l'association, et qui voulaient désormais la quitter à cause de Mervis qui mettait une ambiance... nauséabonde. Cela m'attristait beaucoup. De jour en jour, je voyais la situation dépérir. Certains membres prirent la parole, essayèrent de le comprendre, de dialoguer, mais Mervis prenait très mal la critique et surenchérissait. Il y avait dans ses messages un manque de respect soigneusement caché derrière des mots académiques. Personnellement, je ne me suis jamais sentie blessée par ses messages, sans doute parce que je connaissais déjà Mervis et que j'étais déjà émotionnellement occupée ailleurs.

J'ai commencé à réellement m'inquiéter lorsque des membres que j'appréciais beaucoup quittaient le Discord et surtout... lorsque je constatai l'inactivité du bureau face à cette situation. Je voyais au loin l'iceberg qui allait couler le Titanic si l'on ne changeait pas de cap.


C'est Lucas, l'un des membres, qui le premier a commencé à parler de l'idée de rédiger collectivement un texte qui serait une ligne directive sur la conduite à avoir sur le Discord. Une idée qui avait été approuvée par Céline, la secrétaire, mais qui ne donna pas de suite. Il m'arrivait parfois de me mêler des débats qui tournaient autour du respect mais les discussions finissaient toujours par dégénérer. C'était la première fois qu'il y avait un gros conflit sur Discord. Un conflit dont presque tout le monde prenait part. Sauf le bureau. C'était une situation très délicate pour moi. J'appréciais Mervis mais je voyais l'association se diviser en miette. Et je pense que personne, à ce moment là, ne pouvait s'imaginer à quel point ce conflit allait être dévastateur. De mon coté, je voyais l'Iceberg se rapprocher, mais j'étais encore persuadée que le navire allait changer de cap à temps. Je pense que la sonnette d'alarme s'est allumée chez moi lorsque l'un des admins du Discord, Yngwi, a reproché à Lucas d'avoir une écriture inclusive et que, par conséquent, ses propos étaient politique et qu'il risquait donc l'exclusion. Lucas qui lui, s’efforçaient juste d'expliquer que le manque de respect... c'est pas bien. Je ne reconnaissais plus du tout l'association dans laquelle j'étais entrée trois ans et demi avant. Les échanges étaient aberrants. Il y a avait d'un coté les personnes qui demandaient à ce que le respect soit obligatoire, et de l'autre Mervis et quelques autres membres qui protestaient en clamant haut et fort la liberté d'être irrespectueux (pour résumer grossièrement). Et puis, il y avait moi, au milieu, avec toute ma grande naïveté, qui était persuadée que tout cela allait s'arranger. Qu'il suffisait d'écrire ce fameux texte de « charte éthique » et que hop !... tout allait rentrer dans l'ordre ! En lisant le règlement des Enfants d'Yggdrasill, il n'y avait en effet écrit nulle part que le manque de respect était interdit. Il suffisait donc juste de le rajouter... J'étais convaincue que le bureau avait vu l'iceberg. Mais plus le temps passait, plus je me demandais s'il y avait un pilote dans la cabine.


J'ai pris l'initiative de réunir les personnes les plus impliquée dans le conflit pour commencer à rédiger ce texte. Au départ, nous n'étions que quatre mais Lucas avait refusé de participer par peur d'être accusé de vouloir « prendre le pouvoir ». Lorsqu'il m'a dit cela, je n'ai rien répondu mais j'ai eu un léger sourire en me disant que l'association n'était pas comme ça. Que cela n'arriverait jamais... Je crois qu'à ce moment là, l'Örlög a tenté de m'envoyer un message que j'ai ignoré. Et ce fut ma plus grande erreur durant mes quatre années chez eux.


Au final, nous étions une dizaine de membres à participer à cette charte éthique. Une dizaine de membres à être à bout. Une dizaine de membres qui voulait quitter l'association si la situation ne s'arrangeait pas. Pendant ce temps, les échanges sur Discord dégénéraient. Insultes, harcèlements, manque de respect... Le bureau était inexistant et le Discord en roue libre. Ça a duré trois mois.


Ce fut trois mois éprouvants. Trois mois de questionnements. Trois mois où je me demandais tous les jours comment la situation allait s'améliorer. La démarche que nous avons eu d'écrire cette charte éthique me semblait aussi logique que 2 + 2 = 4. Mais j'avais conscience que, du point de vue du bureau, nous étions les « rebelles » et c'est précisément ce qui m'angoissait. Je pense que des personnes blessées qui demandent un peu de respect ne devraient jamais être perçues comme des « rebelles ». En revanche, ce dont j'avais moins conscience mais que j'ai découvert peu à peu est que j'étais perçue comme la leader de ce groupe de rebelles. J'étais celle qui avait manipulé tous les esprits et qui avait déclenché le conflit. J'ai beau retourner la situation dans tous les sens, j'ignore encore comment ça en est arrivé là. Je n'ai pas parlé plus que d'autres, je n'ai pas protesté plus que d'autres, je n'ai d'ailleurs presque pas participé à l'écriture de la charte éthique... mais c'est moi qui eu l'honneur d'être nommée comme étant la cheffe des contestataires. Celle qui voulait monter au sommet pour prendre le pouvoir. J'en étais venue à avoir peur de ce que les personnes partageant mon opinion allaient écrire sur Discord ; car si l'une d'elle dérapait, c'est moi qui était jugée responsable. Et lorsqu'une personne dérapait réellement, je me sentais obligée de la calmer pour minimiser les jugements sur moi. Peu à peu, sans m'en rendre compte, je me suis prise dans cette spirale où je suis devenue, malgré moi, ce que mes opposants voulaient que je sois.


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Le plus blessant est que ces accusations étaient portées par toutes les personnes qui comptaient le plus pour moi. Celles avec qui j'avais partagé des cérémonies, passé tant de moments formidables et que je considérais comme une famille. Plus le temps passait plus je sentais qu'il n'y avait plus de retour en arrière possible. Que cette famille que j'aimais tant avait disparu... C'est sans doute ce qui m'a fait le plus de mal. Ça et le fait qu'aucun véritable dialogue n'était possible. Il n'y avait jamais de réponse aux messages privés, jamais d'explication, jamais de communication. Enfin... si... J'ai eu de longues discussions avec Sunny a qui j'ai longuement décrit mes ressentis. Ses réponses, selon moi, remettaient en question mes émotions et mon droit d'avoir une opinion différente. De longues discussions où il me conseillait de « changer mon angle de vue » sans jamais appliquer à lui-même ses propres conseils. Or, l'angle de vue, c'était justement ce que j’essayais d'expliquer aux membres du bureau. J'essayais de leur montrer l'iceberg, de leur expliquer qu'il n'y avait plus personne dans la cabine et que le navire fonçait droit dessus. Mais si mon angle de vue ne changeait pas, le leur non plus.

De longues discussions, où il m'apprenait également que j'étais une personne agressive.


J'ai beaucoup réfléchis sur ce terme d'agressivité. Pendant le conflit, il est venu un stade ou effectivement, tous les membres qui demandaient du respect et de la bienveillance ont perdu patience et ont commencé à hausser le ton. Moi la première. Mais avant le stade de ce haussement de ton, il y a toujours cette phase où l'on ose pas être « agressif » alors on commence à user de sarcasmes et d'ironies pour montrer notre mécontentement de façon « calme ». C'est généralement le stade où il faut se retirer car il n'y a plus de dialogue possible. Mais comme beaucoup d'êtres humains, on continue en vain. Pourtant, c'est le stade où tout bascule car ce n'est plus la raison qui parle mais seulement la colère. Et c'est précisément cette émotion là qui sera jugée et retenue par les autres. Dès que la colère fait son apparition, les interlocuteurs ont accès à toutes nos failles et peuvent sortir les phrases types « les masques tombent », « ceux qui demandent du respect sont eux-mêmes irrespectueux » etc... Et c'est exactement ce qui s'est passé. Les masques ne sont pas tombés, non ; c'est la patience qui s'est envolée. Il aurait été bien plus sage de ne plus parler dès lors que la colère commençait à prendre le dessus. Mais, personnellement, je n'ai pas été sage. Et voilà comment, de la petite fille introvertie assise au fond de la classe, on devient la manipulatrice agressive qui veut prendre le pouvoir.


La troisième et dernière étape de cette descente aux enfers fut l'Assemblée Générale qui a eu lieu le 21 décembre 2024 en visio sur le Discord. Nous avions tout contre nous. Parmi les treize membres (oui le chiffre avait augmenté) qui voulaient voir la charte éthique établie seul cinq membres avaient pu se libérer. Et deux d'entre eux avait un problème de micro.

Il y avait deux posts à pourvoir : celui de vice-secrétaire qui fut obtenu par Olivier et celui de responsable des membres isolés auquel j'avais postulé et que j'ai obtenu car personne d'autre ne s'est présenté. Ce moment fut ultra gênant pour moi. Je sentais à travers l'écran tous les regards accusateurs. Non je n'avais pas postulé pour prendre le pouvoir. Je voulais seulement m'impliquer dans l'association et organiser des cérémonies dans les régions de France ou il y avait des membres. J'avais pour projet de créer un groupe en Normandie pour commencer et d'animer les autres régions plus calmes. Je voulais être utile à l'association. Mais honnêtement, je crois que si une deuxième personne s'était présentée pour ce post, j'aurai moi-même voté pour elle.

Concernant le sujet de la charte éthique, ça a été vite réglé par le président. Il nous a annoncé que le groupe d'Alsace « Alamannia » était contre la charte. Il a refusé de faire un vote sur l'adoption de cette charte. Nous n'avons pas pu savoir si Céline (également responsable de la Futaie de Frodi) en avait parlé aux membres du groupe, ni si les membres des isolés avaient également été consultés. Nous n'avons reçu aucune argumentation. Juste un « nous sommes contre » et le sujet a été remis à plus tard. Fin.


Dès le lendemain de l'AG, les critiques ont fusé. Maintenant que j'étais « responsable du groupe des isolés » nos « opposants » avaient de bonnes raisons de confirmer leur théorie. Pendant deux jours, je me mettais à pleurer à chaque fois que j'allumais mon portable pour aller sur Discord. Je lisais les messages que j'assimilais personnellement à de la haine et les échanges violents qui n'arrêtaient pas. Je n'avais plus la force de répondre ni de continuer à les lire. Plus aucune motivation. J'étais censée être responsable, mais peu importe ce que je pouvais dire, je recevais des critiques. J'étais à bout et je ne voyais plus aucune issue.

Le 25 décembre 2024, je quittais l'association.


Quitter Les Enfants d'Yggdrasill m'a procuré un énorme vide en moi. Presque quatre ans que je faisais de cette association ma priorité ; et du jour au lendemain, plus rien. Je suis partie pour préserver ma santé mentale qui avait déjà pris un bon coup. Je suis partie en pensant mettre fin à toutes mes activités en lien avec l'asatru. J'ai voulu arrêter d'écrire, ne plus rien publier, arrêter les cérémonies, tout... J'étais de retour en dépression et le mois qui suivit fut très difficile. En réalité, j'aurai dû quitter Les Enfants d'Yggdrasill durant cette fin d'hiver 2023, car à ce moment là, je n'étais déjà plus la personne qui avait adhéré à l'association deux ans auparavant. J'ai voulu parler de ce qui c'était passé durant cette période au président de l'association, mais il a refusé de me parler en privé. J'ai voulu en parler très souvent car cela me pesait beaucoup, mais je crois que cela n'aurait rien changé.


Heureusement, parmi toutes les personnes que j'ai pu rencontrer dans Les Enfants d'Yggdrasill, certaines d'entre elles sont restées bienveillantes du début à la fin. C'est le cas de Isa, que j'avais rencontré dès la première cérémonie il y a quatre ans. J'avais peur qu'elle prenne le parti du bureau, comme les autres, mais elle est restée intègre et a su voir les mêmes points noirs que moi. C'est elle qui m'a convaincu de ne pas arrêter mes passions et de continuer. D'avancer. Elle m'a accueillit chez elle en janvier, en Normandie, et nous avons réalisé le Jolablot que j'étais censé faire initialement pour Les Enfants d'Yggdrasill. Ce fut l'écriture d'une nouvelle histoire qui commençait, puisque quelques semaines plus tard, je fondais l'association Brimir avec tous ceux qui avait quitté Les Enfants d'Yggdrasill peu de temps après moi. La création de Brimir s'est faite naturellement. Son nom n'est pas uniquement celui de Ymir. Brimir est également le nom d'une hall dans laquelle se retrouvent les survivants du Ragnarök. Aucun autre nom ne pouvait mieux correspondre. Nous étions enfin dans un endroit de paix et de sérénité. C'était comme respirer de nouveau l'air libre. J'ai évidemment conscience qu'un jour viendra où Brimir connaîtra à son tour des conflits. C'est inévitable et cela arrive dans toutes les associations, peu importe le domaine. J'espère seulement, que nous aurons les capacités de gérer ces futurs conflits.


Cela fait sept mois maintenant que j'ai quitté Les Enfants d'Yggdrasill, et pourtant, tout n'est pas tout rose, loin de là. J'ai le sentiment que LEY a comme enclenché une guerre silencieuse envers Brimir. Pratiquement tous les membres qui m'ont « suivi » ont été banni du Discord de l'association (quelques exceptions perdurent néanmoins). Isa, qui n'a absolument pas participé au conflit, a été bloquée de tous les cotés et les posts de Brimir sont systématiquement refusés sur les groupes FB gérés par un ou plusieurs membres du bureau de LEY. Ces petites choses ne sont pas graves, il y a bien pire dans la vie... mais elles m'impactent beaucoup. J'aurai tant aimé que nous puissions trouver un terrain d'entente. Je refuse que Brimir deviennent une association concurrente, et j'invite tous les membres à aller voir d'autres associations en parallèle pour trouver celle qui leur convient le mieux. Brimir est un chemin. Il est différent de celui des Enfants d'Yggdrasill. Différent des autres associations asatru qui existent. Mais tous ces chemins sont sur la même montagne. Suivant celui que nous empruntons, la vue est différente, les obstacles plus ou moins difficiles, les rencontres diffèrent également... mais nous tournons tous autour du même sommet.


Durant sept mois, j'ai ressenti énormément de colère. Une colère qui ne voulait pas s'apaiser. La colère de ne pas voir été écoutée ni comprise. Pendant que chacun retournait à sa petite vie, je me ressassais tous les jours ce conflit. Tous les jours pendant sept mois. Je pleurais et je haïssais toutes ses personnes que j'avais aimé de tout mon cœur et qui m'avaient poignardé. Cela impacta mon quotidien. J'ai commencé un travail à mi-temps dans une école primaire ; et durant mes heures de travail je me suis très souvent surprise à éprouver de violentes fatigues en repensant à ce conflit. Je m'arrêtais quelques secondes pour souffler lentement, puis je serrais les poings, et continuais. J'avais envie de hurler ma colère. De hurler ma haine.


Mais la haine est un sentiment égoïste. Durant tout ce temps, j'étais persuadée qu'il n'y avait eu que des malentendus ; qu'ils n'avaient tout simplement pas compris mon angle de vue. Mais il est très probable qu'il n'y ait jamais eu de malentendu. Ils avaient simplement une opinion différente. Et lorsque nous aimons une personne, en amour ou en amitié, les différences d'opinion sont des choses que nous devons accepter. Je les haïssais uniquement parce qu'ils n'avaient pas su voir l'amour que je leur portais. Mais l'amour n'attend rien en retour. L'amour est silencieux. Il se trouve dans les pétales des pâquerettes. Alors aujourd'hui, pour la première fois, je fais le choix de véritablement aimer Les Enfants d'Yggdrasill.


Ce n'est assurément pas l'histoire que d'autres vous raconteront. Mais c'est la mienne. Celle que j'ai vécu. Celle que j'ai ressenti. J'ai toujours l'espoir ou bien la naïveté de croire qu'un jour, nous atteindrons le sommet de la montagne ensemble. Je suis certaine que les pâquerettes peuvent pousser même là où il n'y a plus d'herbe.


Jara


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4 commentaires


Irmine sopdet
31 juil.

Bonjour, Même si on se connait pas (je regarde de loin le milieu païen), je ne peux que compatir à ton vécu pour avoir connu ce genre de conflits à d'autres époques, dans d'autres projets parfois même à des périodes ou je ne participais à aucun projet aussi (un comble). Et tu as bien fait de mettre des limites et de partir. Quand cela impacte la vie privé, l'humeur, la santé mentale, il faut savoir se retirer pour se protéger. C'est ce qui fait que ces dernières années, je suis plus solitaire, retirée, prudente et sélective dans ce milieu et beaucoup de mes contacts aussi. Bonne continuation

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Axel
28 juil.

Bonjour,

Je viens de lire ce témoignage. Cela fait un énorme échos dans ce que j’ai également vécu.

Peut être qu’aussi j’aurai dû écrire à une certaine période. Mais l’eau a coulé sous les ponts. J’ai choisis aussi l’amour plutôt que la rancoeur. Et j’aime l’image de la montagne.

Bravo. Finalement, ça fait du bien de voir des gens emprunter ce chemin.


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Merci pour ce témoiniage, ça montre a quel point c'est tumultueux les associations et les groupes a propos du Paganisme. De mon côté j'ai souvent vécus à peu près les mêmes chose et j'ai désidé en 2024 de ne plus faire partie d'aucun groupe en France. Je reste dans ma communauté de ADF mais a faire mes rituels en Solo dans mon Hearth (reconnus et que j'ai fait protéger par ADF en 2020 avec un nom définitif en 2022) et ou pour Virtual Fire Protogrove. Faut s'avoir nous préserver et mettre des limites, c'est difficile parfois suivant notre histoire personnelle d'en mettre surtout quand on a vécus des histoires d'abus dans l'enfance. Heureusement on fait de belle rencontre et on…

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Katy
26 juil.

Bonjour, j'ai lu jusqu'au bout ton texte et suis désolée pour toi.

D'un autre côté je découvre une nouvelle jara, je pense que tu es sortie de chrysalide et excuse moi mais les années passent et ce qu'on acceptait avant ne passe plus à un certain âge.

J'ai un peu le même problème avec mon frère aîné, on a 18 ans de différence.

Toujours faire des concession revenir nos sentiments et s'en prendre plein la tronche.

J'ai fait le choix de l'ignorance et je m'en porte mieux.

Voilà mon petit message et sache que les personnes qui ont des chihuhuas ne peuvent etre que de bonnes personnes.

Reçois toute mon amitié.

Gros bisous 😚

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