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Blog et avis lecture...

Mon parcours dans l'Ásatrú - Expériences, erreurs, évolutions

  • Photo du rédacteur: Jara
    Jara
  • 17 nov.
  • 10 min de lecture

Dernière mise à jour : 18 nov.

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Je souhaite aujourd'hui partager mon parcours et mes expériences dans le milieu Ásatrú, afin peut-être, d'aider certaines personnes à se situer elle-même dans ce milieu et leur donner des pistes de réflexion sur le chemin à effectuer. Peut-être que ces expériences feront échos à celles et ceux qui les liront, et j'invite chacun et chacune a partager également leur propre récit. Le partage est essentiel ; il nous permet souvent de réfléchir, et parfois, de faire le premier pas sur le chemin que l'on regarde tant sans oser l'emprunter.


Je dirai que mes premiers pas vers l'Ásatrú, ou plutôt vers les traditions germano-scandinaves, ont commencé sans vraiment que je m'en aperçoive. À l'âge de 15 ans, un ami me fait découvrir les runes. Il en parle souvent et j'écoute sans vraiment comprendre. À l'époque, j'étais attirée par tout ce qui était « ésotérique » et je voyais les runes comme « des trucs magiques » sans rien connaître du contexte ni de l'histoire. Une amie me prêta le livre « B.A-BA - Runes » d'Arnaud d'Apremont, et 16 ans plus tard, le livre est toujours dans ma bibliothèque. Ce livre fut pendant plusieurs années ma seule et unique référence en terme de runes et de traditions nordiques. Je le feuilletais de temps en temps, et je crois même que j'avais un de ces sets de runes fabriqués à la chaîne que l'on trouve dans les boutiques ésotériques. Je ne m'en servais pas mais un ami (qui ne les connaissais pas plus que moi) me tira un jour les runes. Je ne me souviens plus du tirage entier. Je me souviens seulement de la rune Jera qui était sortie et de mon ami qui me dit « Quand je te vois, je vois Jera ».


C'est à peu près tout ce dont je me souviens de mes pas vers le milieu nordique lorsque j'étais au lycée. Pendant mes années d'études à la fac, je m'étais éloignée de tout ça. Plus de rune, plus de mythologie, juste un regard tourné vers une « vie d'adulte » que j'improvisais au jour le jour. Tout ce que j'avais lu ou entendu sur les runes et les traditions s'effaçait doucement de ma mémoire. La seule image qui ne s'effaçait pas, c'était cette rune, Jera, qui peu à peu est devenue le seul et unique souvenir de tout ce que javais pu « apprendre ».


Mais peu à peu, mon intérêt pour les mythologies en général est revenu par le biais de la fantasy. J'ai écrit plusieurs romans de fantasy de mes 18 à mes 24 ans et pour cela, je m'inspirais de mythes et de créatures mythologiques. Je revenais de temps à autre sur les runes mais de façon très timide. Et puis un jour, pour je ne sais plus quelle raison, j'ai voulu lire l'Edda Poétique. À cette époque, je précise que j'avais encore des croyances chrétiennes. Mais c'était ce genres de croyances que l'on a sans savoir pourquoi, parce qu'on y a jamais réfléchi... parce que c'était ça ou bien croire en rien...

Je pense que le groupe Wardruna m'a redonné cet élan vers les anciens mythes. Leur musique était une source d'inspiration pour mes romans. Elle donnait une ambiance que je ne retrouvais pas ailleurs et qui m'aidait à imaginer des scènes pour mes personnages. D'ailleurs leur musique « Hagal » avait provoqué en moi un déclic pour la création d'un nouveau monde de dark fantasy où le narrateur de l'histoire était un dieu cruel et sans pitié. J'avais adoré écrire cette histoire et me mettre dans la peau de ce personnage. L'univers en lui-même se rapprochait un peu de la période du mésolithique. Elle était vraiment chouette cette histoire !


Bref, je pense que j'ai voulu lire l'Edda Poétique pour mieux comprendre l'univers de Wardruna. Sauf que... en lisant l'Edda Poétique... je ne pigeais pas grand chose. Alors j'ai voulu lire d'autres livres pour mieux comprendre l'Edda Poétique. J'ai lu l'Edda en Prose puis d'autres livres sur la mythologie mais à chaque fois, je voulais comprendre encore d'autres choses et je ne me suis plus arrêtée. À chaque livre, je regardais les références bibliographiques et j'achetais les références pour les lire. Je ne faisais plus que ça de mes journées. À l'époque j'avais ouvert un magasin médiéval / fantastique, et je lisais toute la journée dans le magasin. Mon objectif de départ avait complètement changé. Je cernais désormais très bien l'univers de Wardruna, mais j'avais toujours des questionnements et je voulais toujours en savoir plus. C'était la première fois de ma vie qu'un sujet précis retenait autant mon attention au point que toutes mes autres passions sont passées en arrière plan.

Heureusement, j'ai eu la chance de tomber dès le début sur une majorité de « bons » livres. « Mythes et dieux de la Scandinavie ancienne » de Georges Dumézil par exemple a fait partie de mes premières lectures. Même si, parfois, je suis tombée sur des livres New-Age sans m'en apercevoir. Il m'a fallu plusieurs années pour avoir un esprit critique et repérer dès le premier coup d’œil le sérieux d'un ouvrage.

Au bout d'un certain moment, j'ai décidé d'ouvrir une chaîne YouTube et de parler de mes lectures. J'ai réalisé les vidéos que j'appelais « Les lectures du Nord » ou je faisais un compte rendu des livres que je lisais. Je n'avais pas beaucoup de vues, mais assez pour qu'un jour je reçoive un message privé de quelqu'un qui venait de créer un groupe FaceBook sur les traditions nordiques et qui voulait m'y inviter. À cette époque, je n'avais pas l'habitude d’interagir avec des inconnus sur les réseaux. Je n'étais sur aucun groupe et je ne connaissais personne dans mon entourage qui partageait cette passion. Ce message m'a pris au dépourvu et je me suis dit... pourquoi pas. Asulf ne réalise pas l'impact qu'a eu ce message sur mon avenir. Aujourd'hui, 7 ans plus tard, nous sommes toujours amis et je le remercie toujours à la fin de mes livres pour m'avoir ouvert cette première porte dans le milieu Ásatrú.

De cette première porte ouverte, un simple groupe FaceBook, j'ai rencontré énormément de personnes qui ont eu une influence sur mon parcours. Je ne sais pas comment Asulf s'est débrouillé, mais son groupe qui réunissait à peine plus de cent personnes, accueillait tous les auteurs (ou futurs auteurs) Ásatrú. Il y avait Halfdan Rekkirsson, Hathuwolf Harson, Freya Runologie, Galdar Seshador... Certains étaient très sérieux dans leurs recherches et d'autres beaucoup plus new-age, mais je ne faisais pas encore la distinction. C'était l'époque ou il y avait beaucoup d'interactions sur les groupes, beaucoup d'échanges, de discussions, de partage. Il y avait une dynamique vivante et j'ai appris à les connaître, à travers l'écran.


À ce moment, j'avais lu un nombre incalculable de livres sur la mythologie et les traditions nordiques au point que j'avais l'impression de tourner en rond. Je connaissais la mythologie par cœur, et j'étais persuadée de très bien connaître les traditions et les coutumes. C'était encore l'époque où je croyais tout ce que je lisais et surtout, je croyais tout ce que les personnes « influentes » racontaient. J'étais devenue polythéiste depuis déjà un moment (ça s'est fait très progressivement sans même que je m'en rende compte) et mon intérêt se tournait désormais vers les pratiques de cette religion.

J'ai commencé à essayer de pratiquer seule. Sauf que, en voulant avoir une pratique concrète, je me rendais bien compte que j'étais dans le flou total et que je n'avais aucune idée de quoi faire et comment le faire. Je prenais les premières infos venues et voilà que je commençais à célébrer les fêtes... de la roue de l'année wicca. Oui, oui... et j'étais sûr de moi en plus.

Ça a duré à peu près deux ans. Deux ans où je continuais mes recherches mais je trouvais de moins en moins de livres à lire et passais ma vie sur les groupes FB.


Et puis, un beau jour, j'ai rejoint l'association Les Enfants d'Yggdrasill. J'ai déjà écrit un article où je raconte mon expérience dans cette association, donc je ne vais pas forcément en remettre une couche ; car, en plus de cela, c'est toujours émotionnellement très difficile pour moi de parler de cette association. Néanmoins, elle a eu un impact considérable sur mon parcours. C'est dans cette association que j'ai appris le plus de choses. Ou plutôt, que j'ai appris premièrement à avoir un esprit critique et deuxièmement, à me tourner vers les bonnes recherches. J'ai peu à peu pris conscience des idées new-age que j'avais assimilé et j'ai pu me corriger sur certaines choses.

Si sur les groupes FB, j'étais devenue une de ces « figures influentes », dans Les Enfants d'Yggdrasill j'étais une enfant qui se taisait et écoutait. En entrant dans cette association, j'ai très vite été complexée par mon manque de connaissance. J'avais perdu toute confiance en moi, voire même toute estime de moi. L'ambiance numérique était très froide au début, et j'ai eu beaucoup de mal à y trouver une place. Pourtant, ils étaient irréprochables sur le côté sérieux des recherches. Alors je suis restée. J'ai découvert l'histoire des indo-européens et peu à peu, j'ai concentré toutes mes recherches là-dessus. J'avais enfin trouvé comment avancer de façon pertinente dans mes recherches. Pour approfondir mes connaissances sur les traditions scandinaves, je devais sortir de la Scandinavie. Je devais explorer plus loin géographiquement et temporellement. Je devais retrouver l'origine des mythes pour trouver leur explication et leur sens.


L'évolution de mes recherches et ma perception des traditions nordiques a eu un impact sur mes interactions dans les groupes FB et les « amitiés » que je m'étais faites ces dernières années. Mes points de vues changeaient et, du jour au lendemain, les personnes qui approuvaient mes posts les yeux fermés ont commencé à m'insulter puis à me bloquer. C'est ainsi que des auteurs avec lesquels je m'entendais très bien et a qui j'avais même écrit la préface de leur livre, ont coupé les ponts avec moi. Cela m'a beaucoup impacté pendant un temps, mais je comprenais aussi les points de vues de ces personnes. Depuis le jour où j'ai lu l'Edda Poétique la toute première fois, mon objectif était de comprendre et d'en savoir plus. Je pense que j'ai toujours gardé cet esprit d'apprentissage. Même lorsque je tournais en rond en pensant savoir des choses que je ne savais pas, je voulais continuer d'apprendre. Et découvrir que j'étais parfois dans l'erreur, j'ai vu ça comme le meilleur des apprentissages. J’éprouvais à la fois de la honte de m'être trompée à ce point, et de l’excitation de découvrir autre chose. Mais je comprenais que certaines personnes en face de moi, ne veuillent pas admettre leur erreur et je ne leur en voulais pas pour cela. Ne pas vouloir admettre ses erreurs, c'est quelque chose d'humain. On est tous passé par là.

Il y a une phrase de Halfdan Rekkirsson que j'ai toujours gardé en tête : « Apprendre, c'est parfois désapprendre ». Je me suis très souvent répétée cette phrase.


Pendant un peu moins de quatre ans, j'ai changé ma façon d'effectuer mes recherches, je me suis tournée vers d'autres traditions indo-européennes et j'ai également vécu mes premières célébrations en groupe. Malgré la façon dont ça s'est terminée, je serai toujours très reconnaissante envers Les Enfants d'Yggdrasill, pour ce qu'ils m'ont apporté.

Au bout de quatre ans, la situation et les conflits qui avaient lieu au sein de l'association devenaient intenables. La dernier année a été un enfer pour moi et j'ai du prendre une lourde décision. La pression psychologique, l'agressivité verbale de certains adhérents et la non-réaction de l'équipe dirigeante face aux violences psychologiques, m'ont contraint de quitter l'association. Une décision très difficile car j'avais l'impression d'être encore une élève de première année qui commençait à peine son apprentissage. Mais la santé mentale a bien plus d'importance que le désir de connaissance. Aujourd'hui, mes recherches sur les traditions nordiques ont considérablement évolué et je me suis découvert une passion pour les indo-européens, mais en contre-partie, je dois vivre tous les jours avec des traumas. Alors, je ne sais pas si ça valait vraiment le coup. J'ai une pratique reconstructionniste, j'ai écrit un livre sur la façon de vivre l'Ásatrú, mais en échange, ma gorge peut se nouer à tout moment dans la journée, il suffit d'un mot, d'une image, d'un lieu qui me rappelle Les Enfants d'Yggdrasill et je suis incapable de retenir mes larmes. Chaque jour est un combat. Je ne sais vraiment pas si ça valait le coup...


Je suis allée à la rencontre d'autres associations en lien avec les traditions nordiques. Il y a un an et demi, j'ai découvert l'École de Mimir, qui proposent des cours sur les traditions germano-scandinaves. Je n'ai jamais su comment m'y impliquer davantage, peut-être parce que j'ai toujours été occupée ailleurs, mais c'est une bonne association saine d'esprit. Il y a deux ans et demi, je m'étais un peu rapproché du Kindred Midgard, mais leur démarche ne correspondait pas à la mienne alors je n'ai pas persisté. Je trouve parfois quelques pratiquants Ásatrú au sein des troupes de reconstitution historique. Les démarches sont encore différentes mais je m'y retrouve parfois de ce côté-là.


J'ai fondé en février 2025 l'association Brimir. Nous sommes pour le moment une soixantaine sur le Discord de l'association. Nous arrivons à organiser des célébrations pour chaque fête de l'année et je suis particulièrement contente de cette première année qui s'écoule. Je m'engage désormais dans l'organisation de cérémonie et y déploie beaucoup d'énergie. Nous sommes présents pour le moment en Normandie ainsi qu'en PACA, mais j'aimerai trouver du monde pour en organiser à travers toute la France. Je pense qu'avec du temps et de la persévérance (et un peu d'aide) Brimir pourra proposer des cérémonies dans chaque région de France. En tout cas, j'en ai l'espoir.


En quittant Les Enfants d'Yggdrasill, j'avais l'impression que mon parcours dans l'Ásatrú s'arrêtait. J'avais conscience de quitter l'endroit qui m'avait fait évoluer, qui m'avait fait grandir. C'était comme claquer la porte de la maison et me retrouver à la rue. Mais paradoxalement, et malgré les traumas qui sont toujours présents, j'ai peu à peu repris la confiance que j'avais perdu en entrant chez eux. Je n'ai plus cette honte de me tromper, je n'ai plus de complexe, et je n'ai plus peur de faire des erreurs. J'ai mis du temps, mais j'ai réalisé que toutes mes recherches, personnes ne les a faite à ma place. C'est moi qui ai pris la décision de lire des bouquins interminables sur les indo-européens, de télécharger des thèses, de reprendre des cours de latin pour traduire des manuscrits qui n'ont pas été traduits, et de continuer, d'accepter de ne pas avoir de réponse à mes questions, de regarder des étymologies, de comparer des noms, des mythes, de vérifier et de continuer encore...

Tout le travail que j'ai effectué, je ne le dois qu'à moi-même.


Aujourd'hui, je me considère toujours comme une éternelle novice. Je partage dans les livres que je publie, l'avancée de mes recherches, et j'espère que dans quelques années je pourrais dire « Ah ! Je me suis trompée ! » car cela voudra dire que je n'ai pas abandonnée dans mes périples.


Ma pratique a beaucoup évolué également. Mon départ m'a donné du recul sur les pratiques de cette religion. Je me suis rendue compte que si Les Enfants d'Yggdrasill sont irréprochables sur la théorie, leurs pratiques concrètes, elles, sont parfois emprunt de New-Age. Quitter l'association m'a permis d'avoir un regard plus éloigné et plus critique sur leurs méthodes. J'ai pu corriger mes pratiques, y apporter des sources indo-européennes et être plus en adéquation avec ma démarche reconstructionniste. Mais ce qui a le plus changé en moi est le regard que je porte sur les autres. C'est peut-être le plus grand bien qu'à pu me faire mon départ de cette association. Prendre soin d'autrui, l'écouter, respecter son point de vue, comprendre ses blessures... ce sont pour moi des valeurs, des devoirs aussi importants, voire davantage importants, que les pratiques de l'Ásatrú. D'ailleurs, l'Ásatrú ne se trouve pas seulement dans la pratique gestuelle, mais aussi dans une éthique qui nous place dans l'écoute d'autrui et dans la capacité de se remettre en question.


Pour ce qui est de mon parcours dans l'Ásatrú... peut-être qu'en fin de compte, il vient tout juste de commencer...

2 commentaires


A.L.
21 nov.

Bonjour Jara,


Je découvre ton blog et ton témoignage. Même si je ne suis personnellement pas concerné par l'Ásatrú, je dois dire que beaucoup de points de ton parcours font écho au mien (fascination pour les mythologies depuis l'enfance, première période de paganisme "naïf" à l'adolescence, l'influence déterminante de la lecture de Georges Dumézil, le fait de se rendre compte un beau matin qu'on est devenu (ou redevenu !) polythéiste de manière très progressive et sans même s'en rendre compte, mon très fort intérêt pour le comparatisme indo-européen... et jusqu'à l'écriture de fantasy !). Ce que tu dis sur ton expérience pas simple avec l'association est déplorable mais, hélas, ne m'étonne guère, tant j'ai toujours eu l'impression que le milieu…


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Eikthyrnir Odinson
19 nov.

Ha j'aime beaucoup ce texte ça me rappelle tellement de chose. Encore une fois merci beaucoup pour ce témoiniage, le reconstructionisme je pense qu'en religion ça va de paire avec le développement spirituel (ça peut déplaire) mais je veux dire ne pas nous comprendre nous même et travailler sur nos failles et nos blessures ou changer le regarde qu'on porte sur les autres ça peut avoir une influence négative sur la pratique de notre religion. A mon sens les deux sont liés. A mon sens c'est pas un truc new-age de penser que bien se comprendre et ce soigner ou essayer de fermer de vieille blessure ou de mettre fin a de vieux shemat intrafamiliale c'est pas un truc nouveau,…

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