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La tripartition indo-européenne dans une pratique actuelle et moderne

  • Photo du rédacteur: Jara
    Jara
  • 28 août
  • 6 min de lecture

Les peuples germaniques, dont font partie les anciens Scandinaves, appartiennent à la famille indo-européenne. Cette dernière est issue en grande partie des migrations de populations de la steppe pontique (culture Yamna) à partir du IIIe millénaire avant notre ère, qui se sont diffusées progressivement en Europe et ont contribué à l'émergence de nombreuses langues et traditions indo-européennes. Les germains, les celtes, les grecques, les romains, les slaves, les indiens, les iraniens (pour ne citer qu'eux) possédaient donc une origine commune indo-européenne. Cette origine commune laissa de nombreuses traces, tant dans leur tradition, leur panthéon et leur société. Le chercheur et linguiste Georges Dumézil trouva une répartition trifonctionnelle dans ces traditions issues des indo-européens. Cette répartition se retrouve dans la structure de la société mais également dans la mythologie. Elle met en avant trois fonctions :


La Fonction Souveraine. Elle représente l'autorité suprême, liée à la souveraineté sacrée et au pouvoir juridique. Elle a un aspect à la fois religieux et garant de l'ordre social.

La Fonction Guerrière. Elle représente la force physique, la protection de la société et le maintien de l'ordre.

La Fonction Productive. Elle représente ceux qui assurent la subsistance de la société, c'est à dire, les agriculteurs, les artisans, les éleveurs etc..


L'article qui suit est un extrait du deuxième chapitre de mon futur livre "Vivre l'Asatru" actuellement en cours d'écriture. Si vous ne connaissez pas le principe de la trifonctionnalité Dumézilienne, la lecture de cet article n'est peut-être pas pertinente pour vous. Je vous invite à lire les ouvrages de Georges Dumézil.


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Une fois que nous avons pris connaissance de cette tripartition de la société et du panthéon, plusieurs questions se posent : Que pouvons-nous en faire dans le cadre d'une pratique moderne et reconstructionniste ? A quoi cette répartition trifonctionnelle peut-elle nous servir ? Dans la mesure où notre société actuelle possède une structure différente, comment pouvons-nous nous adapter ? Il est bien beau de savoir qu'elle existait et d'en connaître les détails, mais comment pouvons-nous l'intégrer dans notre pratique religieuse ?

Je propose ici, une réflexion, sur la façon dont nous pouvons intégrer cette structure dans notre vie religieuse. C'est évidemment une réflexion subjective, que chacun est libre de tenir compte ou non, et / ou d’approfondir de son côté.


Approche personnelle :


Cette tripartition peut nous aider dans un premier temps à la lecture des mythes. Elle peut nous permettre de mieux comprendre le rôle des Ases et des Vanes, celui des divinités et leurs actions dans la mythologie. La lecture des mythes par le prisme de la tripartition nous aide à cerner leurs enjeux et leur contexte.


Nous pouvons regarder cette tripartition en fonction de notre évolution personnelle. Il est intéressant de réfléchir à notre lien et notre rapport avec chacune de ces fonctions. La première fonction peut être identifiée à notre rapport religieux et les valeurs que nous possédons. Quelle place accordons-nous à la religion et quelles valeurs souhaitons-nous mettre en avant ? La seconde fonction peut se rapprocher de notre force, notre courage, notre vitalité. D'où provient notre force ? Qu'est-ce qui nous rend courageux ? Qu'avons-nous envie de défendre ? La troisième fonction peut être perçue par notre rapport avec le monde matériel. Quelles-sont nos engagements dans les productions matérielles ? Que consommons-nous ? Que produisons-nous ? Quel est notre rapport à la nature ?

C'est un moyen de réfléchir à la façon dont ces trois fonctions qui étaient essentielles peuvent influencer notre vie, et comment nous pouvons y redonner de l'importance. Nous pouvons réfléchir à la manière dont elles ressurgissent aujourd'hui et à la place qu'elles peuvent prendre dans notre mode de vie.


Approche rituelle :


Il est également possible d'intégrer cette tripartition dans nos rites. Étant donné que nous n'avons pas de source sur le contenu précis des cérémonies germano-scandinaves, nous pouvons essayer de « combler » ces lacunes et intégrant une forme de tripartition au sein du rite. Par exemple, afin de mettre en avant la première fonction sacerdotale, nous pouvons méditer sur l'ordre cosmique, invoquer Odin ou Týr et, pourquoi pas, faire un serment. Pour la seconde fonction guerrière, nous pouvons effectuer un acte physique ou bien faire une offrande à Thor. Enfin, pour la troisième fonction, nous pouvons célébrer une saison particulière, invoquer Freyr ou Freyja, ou bien effectuer une tâche manuelle ou agricole symbolique.


Nous pouvons également essayer une approche calendaire rituelle. Par exemple, l'été, au moment des récoltes, il est possible d'effectuer des offrandes à Freyr, pourquoi pas lors du Midsumar. C'est une période propice à la réflexion sur le travail que nous avons fourni et le résultat que nous récoltons. Cette période peut donc être favorable à des gestes rituels en lien avec la troisième fonction productive. L'automne (ou le début de l'hiver scandinave) était une période où l'on honorait davantage les ancêtres. Il est donc possible, lors des Vetrnaetr ou de l'Alfablot, de méditer sur leur mémoire et leurs enseignements, ce qui serait en lien avec la première fonction. Pour la seconde fonction guerrière, nous pouvons y méditer durant le cœur de l'hiver qui était une période rude et difficile à traverser. Cela demandait une certaine force. Le milieu de l'hiver était célébré lors du Jolablot. Néanmoins, le Sigrblot qui avait lieu au printemps (ou le début de l'été scandinave) était en lien avec la victoire. Suivant la façon dont nous interprétons ce mot, cela peut être une occasion de réfléchir sur les épreuves que nous avons traversé, ou bien celles qui nous attendent.


Il peut y avoir plein d'autres possibilités. Je n'ai évoqué là que des fragments de réflexions. En plus des recherches et des réflexions personnelles, il peut être bon d'observer certaines pratiques autour de nous et de s'en inspirer lorsque celles-ci sont pertinentes. Par exemple, je découvris une nouvelle façon de structurer les rites lorsque je fis la connaissance de Mattieu Larcier qui officia des cérémonies pour l'association Brimir. La structure de ses cérémonies sont toujours basées sur la tripartition indo-européenne. Ainsi les divinités invoquées sont liées chacune à l'une des trois fonctions. Le rite commence toujours par la première fonction, puis la seconde, puis la troisième. J'ai trouvé cette structure très pertinente d'un point de vue cosmogonique et je m'en inspire aujourd'hui pour les rites que je réalise moi-même. Cependant, j'imagine qu'il doit y avoir d'autres possibilités tout aussi intéressantes.


Approche sociale :


Cette tripartition peut nous donner des pistes de réflexions sur notre société actuelle. Par exemple, de nos jours, la fonction de production est survalorisée. Nous devons toujours produire plus. Le travail et la consommation sont au cœur de la société. Cette survalorisation se fait au détriment des valeurs et de la connaissance, ainsi que du courage. Avoir une réflexion sur la place que tient chacune des fonctions peut nous amener à méditer sur un rééquilibrage. Ce rééquilibre peut se faire dans notre vie quotidienne et sur l'impacte que nous pouvons avoir dans la société. Cela peut être une façon de rétablir ou du moins de se réapproprier cette ancienne structure tout en restant ancrés dans notre temps et notre société actuelle. Il n'est jamais question de revenir à l'ancien temps ou d'être nostalgique, mais bien de s'adapter à la société tout en gardant des valeurs ancestrales.


Nous pouvons également nous questionner sur les structures sociales actuelles. De nos jours, qui détient la première fonction liée à la souveraineté ? Comment la deuxième fonction apparaît t-elle ? Comment la protection est-elle mise en place ? Et enfin, qui produit, et comment est organisée la répartition des productions ? Méditer sur les structures sociales tout en prenant en compte cette tripartition peut nous permettre d'avoir un angle de vue différent.


Les croyances et la religion faisaient partie intégrante de la société. Cependant, de nos jours, les croyances ont été séparées de la vie quotidienne et du fonctionnement de la société. Réfléchir à un moyen d'équilibre entre les trois fonctions peut nous permettre d'articuler nos croyances autour de notre mode de vie. Réintégrer l'aspect religieux et lui redonner une place équilibrée, redonnerait du sens à cette tripartition, d'une façon moderne.


Prudences, limites et adaptations :


Ce travail de réflexion doit se faire avec un certain recul tout en faisant attention de ne pas tomber dans un piège : celui de vouloir à tout prix figer des individus dans une seule case correspondant à l'une des trois fonctions. Interpréter la tripartition indo-européenne comme quelque chose de rigide ne me semble pas pertinent. Le risque serait d'assigner des rôles fixes à certaines catégories de personnes au lieu de voir un dynamisme pouvant évoluer. Cette tripartition ne doit pas être vue comme une règle stricte mais plutôt comme une invitation à la réflexion dans nos équilibres personnelles et collectifs. Elle peut être un outil dynamique et symbolique.


Conclusion :


Réfléchir sur la façon dont nous pouvons réintégrer cette tripartition est un moyen de « réactualiser » les anciennes traditions dans notre monde actuel. Cette tripartition indo-européenne, mise en place par Dumézil est avant tout un mode de lecture. Elle nous permet d'éclairer les mythes et de dépasser la lecture purement folklorique.

Vivre une religion ancienne de nos jours, ne se limite pas à réaliser un rite ou bien à faire une offrande aux divinités le week-end. La religion était quelque chose d'ancrée dans la vie quotidienne. En comprendre sa structure et ses archétypes, et les réintégrer dans notre monde, devrait faire partie intégrante de la pratique religieuse. Cette structure peut-être un socle souple et dynamique qui nous évite aussi de tomber dans les dérives New-Age qui valorisent l'invention et l'improvisation dans un cadre non structuré et sans repère. Enfin, cette structure trifonctionnelle peut donner un sens moderne à notre pratique sur des bases traditionnelles. C'est là, tout le travail du reconstructionnisme.


Jara

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