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Un regard vers le soleil

Le soleil est sûrement l'un des symboles les plus importants dans le paganisme nordique. Pourquoi ? Parce que c'est l'un des tout premiers. Il donnera d'ailleurs naissance à plusieurs mythes de la mythologie scandinave. Dès le mésolithique, les Scandinaves s'intéressaient aux astres et aux symboles du soleil et de la lune. La preuve en est, la création des bateaux-tombes dès le mésolithique. Les bateaux-tombes étaient associés aux marins et au monde aquatique et faisaient l'objet d'un rite cultuel. Le bateau était un symbole de traversée entre notre monde et l'au-delà. La mort était ainsi vue comme une continuité. Au-delà de cet aspect, le bateau-tombe était lié d'abord à la lune de part sa forme en croissant, rappelant celle du luminaire.

 

Un point très important dans les traditions datant du mésolithique : le mythe de l'éternel retour. Comme nous pouvons nous-même le constater, chaque mois la lune disparaît sur une période d'environ sept jours puis réapparaît. De même, le soleil apparaît chaque matin pour disparaître chaque soir en donnant place à la lune. Il est donc tout à fait légitime que des hommes il y a 8000 ans aient pu y voir une mort et une renaissance continue. On y voit déjà la course de Mani et de Sól.

Comme nous l'explique le docteur en Lettres Patrick Ettighoffer, tous ses aspects de la lune et du soleil, de leur renouveau et de leur lien entre le ciel et la terre nous amènent peu à peu à un mythe apparaissant dans la mythologie.

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Dans l'Edda Poétique, le cerf Eikþyrnir se tient debout sur le toit de la Valhöll et de l'extrémité de ses bois tombe de l'eau. Le cerf est un symbole solaire et ses bois sont un lien avec le ciel représenté par la Valhöll. Cette image présente dans l'Edda existait donc déjà 8000 ans avant, où les ramures de cerfs représentaient le renouvellement périodique et ainsi l'éternel retour.

 

C'est pendant la période du néolithique, en 4000 avant notre ère et avec l’apparition de l'agriculture que les hommes scandinaves vont réellement prendre conscience de l'importance du facteur temps et du destin. Les cycles du soleil seront davantage étudiés, de même que les cycles des saisons. Très vite, les hommes feront le lien entre l'abondance de nourriture et l'apparition du soleil, de la lune et l’alternance des saisons. Ce cycle continu les amène à penser le concept de « Puissance Divine » liée à la fertilité.

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Avec cette idée de « Puissance Divine » naîtront des lieux cultuels et les premières offrandes telles que des haches en silex et des sacrifices humains. Ce seront les premiers aspects marquants du paganisme scandinave, présent depuis 6000 ans. Avec le culte d'une puissance divine liée à la fertilité naîtra un patrimoine iconographique tel que les disques solaires, les amulettes en ambre avec des représentations du soleil, ou des vases destinés aux offrandes, décoré de deux yeux en formes des deux astres.

Ce culte du soleil et de la lune est par extension lié à l'éternel retour. Par conséquent, le culte de ses deux astres rejoint celui de la mort. De la même façon que l'on plante une graine pour la faire vivre, le corps du défunt était confié à la terre dans l'espoir qu'il revienne à la vie.

Comme le dit Patrick Ettighoffer : « La croyance en un soleil et une lune […] s'inscrit dans un vaste ensemble cosmologique centré sur l'alternance vie-mort et l'éternel retour. »

 

Vers la fin du néolithique (2000 à 1800 avant notre ère) une invention importante va marquer un tournent dans la spiritualité scandinave : La roue.

Elle sera très vite associée au soleil. L'expression « fagra hvel » belle roue, qui apparaît dans le poème eddique Alvissmal relève d'un terme très ancien ayant vu le jour dans les environs de 3500 avant notre ère. Le soleil et la lune deviennent dès lors des manifestations de la puissance divine. La roue y est associée, puis le char, de même que le cheval .

 

A partir de l'âge du bronze ancien (-1600), des symboles comme la roue solaire deviennent très présents dans la vie quotidienne des femmes. L'importance du bateau prend de plus en plus d'ampleur et ce dernier devient un symbole religieux qui sera associé au soleil et à la lune. Le char prend également son importance et devient « un symbole de pouvoir et de prestige réservé à la classe guerrière. »5 Les roues du chars qui jusqu'à présent étaient pleines, deviennent munies de quatre rayons. Ces nouvelles roues sont directement associées aux symboles célestes.

Les scandinaves considéraient l'univers comme un tout indissociable.

« La vie en tant que telle, même de ses aspects les plus banals, les plus concrets, s'avère sacrée en soi. »

 

Il y avait une grande importance de la magie dans ce lien entre le profane et le sacrée. La magie permettait de briser les barrières avec l'au-delà. Les chamanes jouaient pour cela un rôle considérable. Notons que les gravures de glyphes étaient un acte religieux réservé à certains initiés. Durant cette période, les scandinaves maintenaient la tradition d'orienter les morts de sorte qu'ils soient alignés au levant du soleil (tradition remontant au mésolithique). De nombreux artefacts datant de cette période ont été découvert, principalement en or ou en bronze et représentent souvent un disque solaire.

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Gravure rupestre découverte sur l'île danoise de Bornholm.

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La roue solaire a été en grande majorité découverte au Danemark. Les branches peuvent aussi représenter les points cardinaux. C'est l'un des plus anciens signes solaires de l'âge du bronze ancien.

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Les deux types de pratiques les plus courantes durant l'âge de bronze ancien étaient la représentation du soleil par le disque solaire sur un chariot (cela symbolisait le cycle, le renouveau, l'équilibre. Les forces qui protègent du chaos comme indiqué dans l'Edda. Symbole de renaissance) et le disque solaire sur un support, qui symbolisait l'immortalité, la lumière, la chaleur.

 

Les deux luminaires étaient une religion officielle, représentée par la classe riche. Le soleil et la lune étaient vénérés comme deux divinités. Néanmoins il existait des groupes d'hommes qui maintenaient les anciennes traditions du néolithique telle que la représentation des deux astres sous formes de deux yeux notamment sur des vases lors des dépôts votifs. Une tradition qui s'effectuait en dehors de la classe riche.

 

A partir de l'âge du bronze récent (1100 – 500 ans avant notre ère) la rudesse du climat pousse la vénération des puissances divines à s'accentuer et de nouvelles traditions apparaissent. L'incinération des corps devient omniprésent dans la tradition. Elle symbolise la mort d'une vie dans le corps, l'élévation de l'âme et sa renaissance à la vie spirituelle. Les pétroglyphes vont faire leur apparition et des personnifications divines sous formes de personnages gigantesques apparaissent avec des statuettes en bronze ou en or.

La trisquelle représente l'éternel recommencement de la course solaire et du cycle vital. Cette période marque une baisse de représentation du soleil. En revanche il y a beaucoup plus de navires qui sont tout de même liés aux luminaires. Ce sont donc des représentations indirectes, de même que le cheval qui reste l'animal le plus représenté.

 

Vase en forme d'entonnoir trouvé dans une tombe à couloir en Scanie, SuèdeLes lignes en zig zag représentent l'alternance vie / mort.

Parmi les symboles les plus fréquents, le serpent, symbole chthonien, représentait les ténèbres et le monde souterrain. Néanmoins, comme le précise Patrick Ettighoffer « la traversée des ténèbres s'avère être la promesse de renouveau quotidien, hebdomadaire ou saisonnier. » Donc le serpent était également un symbole de fertilité et de fécondité.

 

Voilà pourquoi, le soleil est un des symboles fondateurs du paganisme nordique. Il est à l'origine des plus grandes idées de cette spiritualité et a fortement marqué la mythologie. La course du soleil est en définitif ce qui a motivé les scandinaves à penser tous les concepts de leur religion.

Pourquoi ? Pourquoi cette course infinie est-elle si importante ? Je pense que Patrick Ettighoffer a trouvé une excellente réponse à cette question :

 

« Derrière cette conception se cachait la crainte que cette course vitale soit entravée par les forces de désordre. D'où la nécessité d'exécuter toutes sortes de rites dont l'unique fonction, d'essence magique, était de facilité et de protéger le déplacement des deux luminaires. »

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JARA

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