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Manuel de sagesse païenne - Thibault Isabel

Voici un livre qui mérite d'avoir une critique tant il y a de choses à dire en points positifs et négatifs.

Thibault Isabel a un doctorat en étude cinématographique (plus précisément sur le cinéma américain). Il est l'auteur de plusieurs ouvrages tels que "La fin de siècle du cinéma américain 1981–2000" paru en 2006, "Pierre-Joseph Proudhon. L'anarchie sans le désordre" paru en 2017 et "Manuel de sagesse païenne" paru en 2020 aux éditions Le Passeur.


Isabel annonce tout de suite la couleur en expliquant dès les premiers chapitres qu'il serait ridicule aujourd'hui de reproduire les rites des anciennes religions païennes. Bien qu'il n'argumente pas ce point de vue, c'est une idée qui peut se défendre.. Le livre se base donc uniquement sur la "pensée païenne" et non sur la pratique.


L'auteur soulève beaucoup de réflexions intéressantes. Pour cela il se base sur trois principaux philosophes : Héraclite, Xun Zi et Confucius. Il en cite parfois d'autres mais ce sont ces trois là qui reviennent pratiquement à chaque page. Selon Thibault Isabel, nous devons essayer de retrouver cette "sagesse païenne" qui s'est perdue afin de pouvoir mieux vivre et de rendre le monde plus beau.


Parmi les réflexions intéressantes qui sont abordées, il y a par exemple "suivre la voie du juste milieu" où Isabel fait l'éloge de l'équité et détruit la justice moderne qui prône l'égalité. L'auteur nous parle également du destin en expliquant que nous devons nous en accommoder afin de tendre vers une vie heureuse. Isabel réussit l'exploit de consacrer un chapitre entier sur la notion du destin selon les stoïciens sans même les citer une seule fois.

Il insiste beaucoup sur la recherche de la vertu et sur le bonheur comme souverain bien; des thèmes qui sont très présents dans les anciennes philosophies grecques, bien qu'Isabel préfère toujours faire le rapprochement avec le taoïsme et le confucianisme plutôt qu'avec les grecs. En revanche de nombreux parallèles sont fait avec la mythologie grecque et avec l'Illiade, comme par exemple pour expliquer l'importance des guerriers qui meurent au combat ainsi que l'importance du sport traditionnel qui a pour fonction de "révéler l'ambivalence du monde".




Néanmoins, si l'ouvrage soulève de nombreuses réflexions intéressantes, il a des défauts qui ne peuvent pas passer inaperçus. Le premier défaut, et pas des moindres, est que Thibault Isabel nous parle d'une "sagesse païenne" qui est en réalité sa vision personnelle du paganisme et qu'il veut faire passer comme étant la "vraie sagesse". Mais il n'y a pas de vraie sagesse païenne. Isabel nous parle comme s'il y avait eu un seul et unique peuple païen qui aurait disparu.. Il ne prend pas en compte les différentes religions européennes préchrétiennes et se base uniquement sur ses trois philosophes préférés pour expliquer son point de vue utopique du paganisme. Il confond "philosophie" et "religion" qui, bien que complémentaires, sont deux choses différentes.

De plus il choisit de façon arbitraire les philosophes qui ont de vraies pensées païennes et ceux qui sont déjà corrompus par le christianisme avant même son arrivée ! Il écrit par exemple un chapitre entier contre la philosophie de Pyrrhon en affirmant que celle-ci n'est pas païenne... Mais que Thibault Isabel le veuille ou non, Pyrrhon était païen, tout comme Diogène de Sinope qu'Isabel ne cite pas mais évoque en sous-entendu lorsqu'il point du doigt les cyniques.


Notons aussi qu'Isabel possède l'art de se contredire avec, à la fin du livre, une citation de Confucius qui détruit l'intégralité de son discours sur le ridicule d'effectuer des rites :


"Occuper les mêmes places que les ancêtres, accomplir les même cérémonies, exécuter les mêmes chants, respecter ceux qui les avaient honorés, aimer ceux qu'ils avaient aimés, leur rendre les mêmes devoirs après leur mort que pendant leur vie, après leur disparition que lorsqu'ils étaient présents à nos côtés : c'était la perfection de la piété filiale."

Enfin, le deuxième défaut, et je terminerai là-dessus, est que Thibault Isabel passe l'intégralité de l'ouvrage à comparer la "sagesse païenne" avec le christianisme. Il en ressort un besoin de se justifier en pointant du doigt toutes les valeurs chrétiennes que monsieur Isabel n'apprécie pas. Pourquoi ce besoin de vouloir absolument comparer paganisme et monothéisme ? Surtout qu'il en profite pour faire certains jugements de valeurs qui ne sont peut-être pas très représentatifs des valeurs chrétiennes.


Pour conclure, je dirais que le titre du livre induit le lecteur en erreur. Par contre, la phrase d'accroche en couverture est déjà plus en adéquation avec le contenu et j'aurai dû m'y attarder un peu plus en achetant le livre : "Pour un nouvel art de vivre avec les philosophes anciens d'Orient et d'Occident"

C'est ça... Isabel nous parle d'un nouvel art de vivre qu'il définit selon ses propres critères comme étant du paganisme.

Ceci dit, il serait plus juste de dire "Pour un nouvel art de vivre avec Héraclite, Xun Zi et Confucius"

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